Martchín est le nom de ce projet musical initié par Martin Rose (Martchín étant la contraction et transcription en créole de Martin et Marcin, en référence à ses origines franco-polonaises) visant à créer des échanges entre musiciens venus d’horizons divers.
Martin et le Cap-Vert c’est l’histoire d’une passion qui débute un beau jour d’été 2001, lorsqu’il assiste pour la première fois à un concert de Cesária Évora à Paris. Ce jeune lycéen qui étudie alors le violon au conservatoire est captivé par la beauté des simples mélodies capverdiennes chargées d’émotion et capables d’émouvoir un public qui, sans même saisir le sens des textes chantés en créole, se met à partager une même sensation de joie mêlée de douce nostalgie. C’est le déclic, cette musique langoureuse quoique parfois entraînante ou joyeuse, possède quelque chose d’irréel et à la fois de suranné qu’il faut s’empresser de découvrir.
S’ensuit une longue série de recherches documentaires sur les différents genres musicaux du Cap-Vert, leur histoire, les artistes, les compositeurs – et bien sûr, leurs œuvres. Des mémoires de thèse aux essais à tirage limité et quasi-introuvables, des reportages TV aux vinyles fatigués dénichés par hasard à Paris ou à Lisbonne, tout contribue à mieux lui faire comprendre l’essence de peuple oublié du monde et sa riche culture populaire que seule une modeste chanteuse aux pieds nus était parvenue alors à faire émerger de l’indifférence mondiale.
Martin organise son premier voyage au Cap-Vert en 2008, le premier d’une longue série. Il y rencontre de nombreux musiciens animés par le goût de l’échange, du dialogue des cultures, des expériences musicales originales. Il lui est vite donné de se produire avec eux ici ou là sur l’île de São Vicente – ce qui intrigue et intéresse les curieux. Il est vrai que le violon est un instrument présent dans la musique du Cap-Vert, mais de nos jours hélas plus très répandu. Les rares violonistes sont quasiment tous des autodidactes qui ont développé des techniques intéressantes – certes éloignées d’une technique classique mais qui permettent bien des prouesses et transmettent beaucoup d’émotions.
Au gré de ses voyages, Martin fait plusieurs rencontres marquantes, dont celle de Cesária Évora, une personnalité hors du commun qui a fait à sa manière l’histoire du Cap-Vert.
Parti ensuite vivre quelque temps aux États-Unis, Martin collabore à des projets musicaux organisés par la communauté capverdienne locale – l’une des plus nombreuses au monde. Il participe à des spectacles, des concerts caritatifs ou à but humanitaire, et collabore ponctuellement à des albums d’artistes capverdiens.
Revenu en Europe, l’idée lui vient de créer une expérience unique de fusion musicale entre le violon classique et la musique traditionnelle capverdienne. Après tout, la morna (le plus fameux genre musical local, né dans la seconde moitié du 19e siècle et qui a voyagé d’âge en âge, d’île en île, en y laissant à chaque fois des formes et colorations particulières – classé au patrimoine immatériel de l’humanité par l’UNESCO depuis 2019) serait apparentée au fado portugais, lui-même lié à une culture européenne imprégnée des influences classiques.
Cette fusion, a été possible grâce à la participation d’artistes virtuoses tels que Bau, qui a enregistré les parties de guitare et cavaquinho ou encore Carlos Matos pour le piano – et au choix du répertoire qui donne la part belle aux mornas et aux coladeras, dont certaines ont été immortalisées par Cesária Évora ou encore Bana (le « roi » de la morna).
Cet album veut donc en quelque sorte rendre hommage à Cesária Évora, qui a tracé le sillon permettant l’ouverture de la musique du Cap-Vert au monde, une musique intensément chargée d’émotions qui se partage, qui fait vibrer tout cœur sensible et lui instille quelques germes d’espérance – celle d’une vie meilleure, d’un amour retrouvé, d’un retour à la terre natale, ou encore d’une harmonie accomplie. Une musique parfois teintée de tristesse mais néanmoins optimiste et rayonnante de vitalité. Une des plus grandes richesses du peuple capverdien qu’il convient de préserver et continuer à faire vivre.